Portrait Cécilia Bouclet : entre espoir et révolte

Professeur des écoles dans un village de Picardie, à Trie-Château, Cécilia Bouclet enseigne dans une classe à double niveau : CE1-CE2. Elle explique en quoi les réformes de l’ancien Ministre de l’Education Nationale, Xavier Darcos, remettent en cause son idéal de l’école et freinent les prérogatives de cette institution pourtant clef.


Cécilia Bouclet est passionnée par son métier. Depuis 2002, elle enseigne dans un village de l’Oise, dans la circonscription d'Auneuil. En quelques années d’enseignement, elle nous confie que la situation de l’école s’est dégradée. Or, son envie de captiver les élèves et d’attiser leurs curiosités reste intacte. A la vue de sa classe, on ne doute pas de ses convictions. Chaque millimètre est pensé, chaque coin a son utilité pour donner aux enfants l’envie d’apprendre. En une seconde, on veut de nouveau être sur les bancs de l’école.


Petite, Cécilia Bouclet raconte qu’elle adorait le lieu d’apprentissage que représentait l’école, notamment parce qu’elle s’y sentait à l’aise. Après une maitrise de biologie, elle a voulu, à son tour, devenir enseignante comme ceux qui lui ont donné son amour pour l’école et son goût d’apprendre. Elle réussit le CAPE du premier coup, et continue son chemin jusqu’à sa première rentrée des classes, en septembre 2002.

Á la question sur le rôle de l’école, l’enseignante répond : « L’école doit entrebâiller des portes pour que les enfants aient l’envie de les ouvrir en grand. L’école doit éveiller l’esprit des élèves, ainsi que leurs intelligences. Il s’agit de les armer pour qu’ils puissent à la sortie aller professionnellement là où ils en ont envie. Rien ne doit être un obstacle pour les enfants à la sortie de la classe ». Défendant une vision sociale, humaine et intégratrice de l’institution, elle ajoute : « Aujourd’hui, on nous freine dans cette entreprise là. Nos conditions de travail se détériorent, avec des classes surchargées et des suppressions de postes ». Cécilia Bouclet n’est pas partisane d’un syndicat, mais atteste avec conviction de ces changements dans son école de Trie Château, près de Beauvais.

En effet, les classes de son école sont composées d’au moins deux niveaux différents. Une de ses collègues à trois niveaux à gérer : la petite, moyenne et grande section maternelle. Cette année, l’école a coupé la classe de CM1 en deux, car ajoutée au CM2, l’enseignante aurait eu 38 élèves. Dans son secteur d'Auneil, Cécilia Bouclet raconte qu’une de ses collègues a quatre niveaux différents. « La suppression des postes a un impact réel sur le taux de l’encadrement des élèves » révèle t-elle. Elle lance : « Comment bien s’occuper des élèves dans ses conditions, et ceux en difficulté ? ». Face aux réponses de l’enseignante, on comprend bien que les réformes engagées ébranlent ses idéaux.

Elle poursuit sur les réseaux d’aide spécialisé qui sont en train d’être supprimés, car « on ne renouvelle plus les postes ». Par conséquent, le réseau va au plus urgent et laisse des élèves en grande difficulté sans suivi adapté. Depuis cette année, elle constate que le secteur d'Auneil n’a plus qu’une psychologue scolaire, alors que les années précédentes, elles étaient trois à se répartir les cas. Elle se souvient qu’une d’entre elles est partie à la retraite, alors que les autres, personne ne sait ce qu’elles sont devenues. Les années précédentes, les trois collègues se répartissaient les rôles : une s’occupait du comportement scolaire et l’autre du suivi psychologique. Avec une seule personne, on peut imaginer la surcharge de travail et le délaissement des enfants en grande difficulté. Cécilia Bouclet dénonce cette situation : « L’année dernière, j’ai signalé un enfant, retiré de sa mère et placé en famille d’accueil. Il est arrivé dans ma classe perdu et déboussolé. Je l’ai donc signalé au réseau d’aide spécialisé, car il était évident qu’il avait besoin d’aide et d’écoute que je ne pouvais lui apporter. Pendant un an, personne n’est venue voir cet enfant, et on m’a dit que le signalement resterait dans le dossier scolaire. Concrètement, rien n’a été fait et tous les jours des enfants en grande difficulté restent dans les classes, alors qu’ils auraient besoin d’un suivi plus poussé ».

La grande crainte des réformes de l’ancien Ministre de l’Education nationale était de voir ces réseaux d’aide spécialisés supprimés au profit des deux heures de soutien hebdomadaire, réalisé par l’enseignant et prévu par la réforme. Ces deux heures de soutien aide les élèves ayant besoin d’un coup de pouce pour une leçon ou un point particulier, mais en aucun cas les élèves en grande difficulté, pour qui ça ne sert strictement à rien, explique Cécilia Bouclet. « L’enseignant n’a pas les compétences pour aider et suivre les enfants en grande difficulté. J’en ai fait l’expérience avec un de mes élèves, pour qui ses heures de soutien n’étaient pas adaptées », ajoute t-elle.

Malgré ce constat de détérioration de l’enseignement, Cécilia Bouclet ne perd pas espoir. Elle déclare croire avec une force inébranlable en son métier. Elle sait que certains enseignants refusent d’appliquer les nouvelles directives des réformes et qu’ils risquent quotidiennement de fortes sanctions, mais elle pense que seul le regard des enfants compte dans ses choix. « Les enfants sont les seuls juges de mon enseignement. Je n’attends aucune reconnaissance de ma hiérarchie, et de mon Ministre qui ne cesse de nous dénigrer. Tant que les enfants viendront dans ma classe avec le sourire, je ne perdrais pas espoir et il n’y a pas de raison de ne plus y croire ». Elle se souvient d’ailleurs d’une élève qui un jour lui a dit : « Maintenant j’aime l’école maîtresse ».

À notre tour de garder espoir.

3 commentaires:

  1. Très beau portrait...A ne pas manquer, on parle souvent de l'effet de ces réformes sur les grandes institutions mais peu sur les petites structures avec plusieurs niveaux.

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  2. il y a un dicton qui dit aide toi et le ciel t'aideras . tant qu'il n'y auras rien de fait c'est avec des gens comme toi que les élèves progresseront même si cela est éprouvant je conçois.

    ps: quand je suis rentré dans mon entreprise on m'a dit ici c'est la jungle les moutons se font dévorés par les lions 22 ans après on m'appelle TARZAN .........Lol

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